#55

Une religieuse un peu coquine, Paris, 1953

Marc Riboud

C’est une délicieuse photographie : une jeune nonne, négligemment appuyée sur le rebord de la fenêtre d’un taxi en posture de contraposto, regarde fixemment devant elle, d’un petit air coquin, le photographe qui tire son portrait. Notre-Dame, en arrière-plan, veille d’un air tutélaire sur sa protégée ; nous sommes à l’automne, ou en hiver, il fait froid car les passants sont emmitouflés dans des manteaux ; la scène se passe sur les quais, rive gauche, à Paris bien sûr, dans les années cinquante.

Qu’est-ce qui fait une bonne photographie ? Avant toute chose, répond Marc Riboud, une bonne photographie doit avoir le pouvoir d’émouvoir. Elle doit également être bien composée : Je pense que la photographie passe mieux si la composition, si l’architecture de la photographie, si la forme est meilleure. Eliot Erwitt, autre merveilleux photographe et grand ami de Marc Riboud, ne dit pas autre chose : Ce qui compte, et que l’on retrouve dans cette image, c‘est la composition, la géométrie, la forme – c’est cela qui rend une photographie éternelle. Et puis, rajoute-t-il, une partie de la réussite d’une photographie est liée à son charme – le charme est très important pour séduire les gens. Marc est quelqu’un de charmant, et cette qualité fait partie de l’arsenal nécessaire au photographe. Enfin, comme le conclut Erwitt, Marc is serious about not being serious. Un brin de légèreté n’est pas non plus négligeable.

La légende veut que cette ravissante religieuse qui semble, sur cette image, flirter avec le taxi tout autant qu’avec le photographe qui la mitraille, soit devenue la très sévère mère supérieure de son couvent. Mais l’histoire ne dit pas si elle a jamais vue cette photographie…