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Moine danseur, Festival de danses sacrées au monastère de Shechen, 2015

Matthieu Ricard

Point de ralliement de la communauté tibétaine en exil, le monastère de Shechen, à côté de Katmandou, au Népal, a été reconstruit en 1984 sur les mêmes plans que l’édifice original se trouvant dans la province du Kham, au Tibet – et qui avait été entièrement détruit par l’armée chinoise au cours de la révolution culturelle.

La tradition des danses sacrées (cham) fait la réputation du monastère de Shechen. Ces anciens rituels d’exorcisme sur les démons qui hantaient le Tibet avant l’introduction du bouddhisme sont célébrés encore aujourd’hui dans les grandes circonstances, notamment à l’occasion des fêtes du Nouvel An. Intervenant en conclusion de cérémonies complexes qui durent dix jours et dix nuits consécutives, ces représentations sont dansées dans la cour du monastère devant une foule d’innombrables fidèles.

A l’égal d’autres rituels tantriques, la pratique méditative du cham ne se limite pas à un simple spectacle de danse – mais ils sont en fait la mise en action d’une pûja, un rituel complexe relevant du bouddhisme tantrique. Cette danse bouddhique tibétaine fondée sur la transformation du corps, de la parole et de l’esprit a pour but d’amener à la vision pure, permettant de reconnaître la nature de bouddha dans tous les êtres et la pureté originelle des phénomènes. Bien plus qu’un spectacle, les cham recréent un ainsi véritable mandala vivant.

Dans cette photographie, le moine est en train d’exécuter une danse de purification, coiffé de la shanak (coiffe noire), un crâne dans sa main gauche, virevoltant sur le rythme d’un tambour puissant. Cette danse sacrée culmine par la destruction d’une figurine représentant l’ego illusoire qui nous enchaîne au cycle mortel des naissances et des morts. Au cours du festival du Dixième jour, le plus grandiose,  le moine danseur évoque les huit manifestations de lui-même afin de vaincre définitivement les démons du Tibet.