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Nature morte II

Véronique de Folin

Ces sortes de compositions, outre la technique générale de l’art, ont une poétique qui leur est particulière. On peut rendre raison du profil élégant d’un vase, de la grâce d’une guirlande ; l’art de dessiner une étoffe n’est pas plus arbitraire que celui de dessiner la figure. J’en trouve seulement les règles plus cachées, plus secrètes. C’est ainsi que Diderot, en amateur averti des œuvres de Chardin, soulignait dans son Salon de 1767, la poésie et le charme des natures mortes.

Le terme même de nature morte porte en lui-même une ambiguïté fondamentale, puisqu’il s’agit bien de montrer une nature au caractère vivant. En la dotant d’une qualité propre, celle du calme et de la tranquillité, l’expression intégrait la notion de durée (…) La dénomination reflétait ainsi la composante symbolique, religieuse et méditative des tableaux d’objets. (Dominique de  Font-Réaultx, in Peinture et Photographie).

Dès l’origine, la nature morte en photographie a révélé les rapports équivoques que les photographes entretiennent avec le modèle pictural, en s’en inspirant tout en s’en détournant par un jeu de techniques de prises de vue et de tirages particuliers. Ainsi, tout comme le peintre Dunoyer de Segonzac organisait, sous l’objectif de Robert Doisneau, les éléments de son prochain tableau, la plupart des photographes mettent systématiquement en place un composition préalable à la prise de vue. Si la nature morte demeure donc d’abord pour le peintre un exercice de virtuosité, le photographe doit à son tour faire preuve d’une habilité redoutable pour se démarquer du modèle de l’œuvre peinte – utilisant avec brio les différents temps de pose et d’éclairage.

Certains thèmes classiques – comme celui de la corbeille de fruits ou de légumes, poursuivent une étonnante continuité depuis le milieu du XIX° siècle. Ici, les quelques légumes posés sur une table sont un forme d’hommage à la beauté de la nature ainsi qu’à la douce lumière d’une aube d’été.