#42

Pini di Roma

Claire de Virieu

Les pins parasols sont les rois de Rome. Des sept collines de la ville éternelle, ils se regardent et se répondent en formant une chorégraphie sublime. Le pin parasol appartient à la légende de la ville. Dans la Rome antique, il était consacré à Cybèle, divinité phrygienne personnifiant la nature sauvage, qui se réfugia sous un pin après la mort d’Atys parce qu’elle croyait que son bien-aimé s’était métamorphosé en cet arbre légendaire. De même, Virgile l’appellait pronuba parce que les flambeaux des noces étaient en bois de pin. En effet, l’arbre confirme la perpétuité du genre humain et la constance de l’amour conjugal puisqu’il reste toujours vert.

Témoins de la gloire éternelle de Rome, les pins parasols sont présents partout dans la campagne alentour et célébrés comme tels par les plus grands écrivains : Les ombres ne sont jamais lourdes et noires ; il n’y a pas de masses si obscures de rochers et de feuillages dans lesquelles il ne s’insinue toujours un peu de lumière. Une teinte singulièrement harmonieuse marie la terre, le ciel et les eaux. (Chateaubriand).

Et lorsque, malheureusement, certains de ces arbres ont dû être abattus – comme ceux plantés par Ingres, entre 1835 et 1841, lorsqu’il était directeur de la Villa Médicis –  ce fut un véritable deuil pour les Romains pour qui cette présence enchanteresse leur avait laissé espérer qu’ils entretenaient une relation particulière et privilégiée avec les dieux…

On est consolé, cependant, par le souvenir de la beauté ineffable de Rome tel qu’il a été évoqué par Chateaubriand au moment de quitter son ambassade, en 1829 : On n’a point vu Rome quand on n’a point parcouru les rues de ses faubourgs mêlées d’espaces vides, de jardins pleins de ruines, d’enclos plantés d’arbres et de vignes, de cloîtres où s’élèvent des palmiers et des cyprès (…) Si j’ai le bonheur de finir mes jours ici (…) je continuerai mes Mémoires. Dans un des plus beaux sites de la terre, parmi les orangers et les chênes verts, Rome entière sous mes yeux, chaque matin, en me mettant à l’ouvrage, entre le lit de mort et la tombe du poète, j’invoquerai le génie de la gloire et du malheur. Mémoires d’Outre-Tombe, Troisième partie, livre XIII.