#37

Magie d’un soir d’été

Véronique de Folin

C’est une image qui fait rêver : par une chaude soirée d’été, au bord d’une mer limpide, une enfant, habillée d’une somptueuse robe du soir en soie, rêve pieds nus, la teinte ceinte d’une légère couronne de bougainvilliers, sur la terrasse d’une grande maison. Elle porte, avec un naturel désarmant, la robe avec laquelle elle a défilé quelques mois auparavant par une froide matinée de janvier, au théâtre Marigny, pour la collection Haute Couture Été 2004 de Franck Sorbier. Son air songeur et un peu grave accentue l’ambivalence de son regard, dont l’air décidé et mutin ne trompe personne…

Cette collection, dont le parrain était le peintre Zao Wou Ki, était entièrement tournée autour de la Chine. En hommage à la danseuse Loïe Fuller, les enfants tournoyaient autour des mannequins revêtues de kimonos sublimes aux tons de bleu profond, coiffés de cerf-volants en papier qui, dans la mythologie chinoise, servent à attirer chasser les mauvais esprits et à porter bonheur. Un souvenir d’enfance enchanteur.

À une jeune fille 

Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle,
Enfant ! n’enviez point nôtre âge de douleurs,
Où le cœur tour à tour est esclave et rebelle,
Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs.

Vôtre âge insouciant est si doux qu’on l’oublie !
Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs,
Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.

Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées !
Jouissez du matin, jouissez du printemps ;
Vos heures sont des fleurs l’une à l’autre enlacées ;
Ne les effeuillez pas plus vite que le temps.

Laisser venir les ans ! Le destin vous dévoue,
Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié,
A ces maux sans espoir que l’orgueil désavoue,
A ces plaisirs qui font pitié.

Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n’attristez pas votre front gracieux,
Votre œil d’azur, miroir de paix et d’innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !

Victor Hugo, Odes et Ballades, 1828