#27

Pot et jarre à thé, Photogramme

Claire de Virieu

Représentant de simples jarres à thé et des vases à fleurs, ce photogramme reflète, par son ambivalente simplicité sophistiquée, l’influence de la civilisation japonaise. Le photogramme est une image photographique obtenue sans l’aide d’un appareil photographique, en plaçant les objets sur une surface photosensible et en l’exposant ensuite directement à la lumière.

Il s’agit donc d’un jeu subtil d’ombre et de lumière, d’une alchimie qui fait la part belle au hasard, à l’imprévu, et qui cherche à faire entendre dans le mot image le mot magie comme le revendique son auteur.

Car un laque décoré à la poudre d’or n’est pas fait pour être embrassé d’un seul coup d’œil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l’un ou l’autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables. De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l’agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d’air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l’homme à la rêverie. N’étaient les objets de laque dans l’espace ombreux, ce monde de rêve à l’incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces filets d’eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l’un ici, l’autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d’or. 

Éloge de l’ombre, Junichiro Tanizaki